Résumé de la communication :
Ce travail est issu d’une recherche-action (RA) participative menée au sein d’un Service Départemental d’Incendie et de Secours (SDIS) et complétée par une démarche d’observation participante à découvert en milieu opérationnel (formations, interventions, monitorat…) pendant une durée de 5 ans et 6 mois.
La RA est une démarche de recherche en sciences humaines née durant la deuxième guerre mondiale, nourrie par l’expérience du Tavistock Institute et du « Directorate of Army Psychiatry » de l’armée britannique. La RA autorisa la reconstruction au travers d’expérimentations inédites d’une partie de l’armée anglaise et de sa hiérarchie en conciliant impératifs institutionnels et opérationnels en temps de guerre. Elle semblait pertinente pour explorer la problématique du SDIS avec lequel j’allais réaliser mes recherches.
Le Directeur du SDIS était étonné par la capacité de ses sapeurs-pompiers (SP) à résoudre avec ingéniosité les problèmes en intervention, et tout aussi agacé par leur aptitude à se camoufler dans toute la rigidité institutionnelle une fois revenus dans un bureau. Il souhaitait comprendre pourquoi, et réorganiser son service en conséquences. En partant de ce questionnement, la RA aura permis de mettre en évidence l’existence d’une culture opérationnelle et d’une culture administrative chez les SP. Si les rapports paraissaient tendus de part et d’autre, la culture administrative prenait l’ascendant en profitant d’une sorte d’aversion des SP opérationnels pour la conceptualisation. Elle lui imposait ainsi plus facilement ses normes, modèles et représentations. Un accompagnement à la théorisation des pratiques fut donc effectué avec certains SP opérationnels et officiers, et une « dépénalisation » de l’innovation pendant les expérimentations fut négociée en amont auprès de la Direction. Ceci permit la mise en place d’approches transversales : de plus en plus d’échanges s’effectuaient entre les deux mondes sans passer par le circuit officiel, créant des brèches dans les allants-de-soi institutionnels.
La légitimité des modes managériaux « bureaucratiques hiérarchiques » fut alors remise en question, bien que les SP ne soient pas convaincus par l’évocation d’organisations ahiérarchiques, persuadés « qu’il fallait tout de même de la hiérarchie et de l’exigence quelque part ». Ils décrivirent alors avec leurs propres critères ce qu’ils considéraient comme un officier légitime. Loin d’un « n+1 » justifiant son statut « par son galon », par sa capacité à punir, contraindre, ou à garantir la conformité à une norme, leur figure idéale de l’officier correspondait à celle d’un chef de guerre rigoureux capable de résoudre concrètement leurs problèmes, à un émancipateur, un habile transgresseur rompu à la traversée de la frontière existant entre les mondes opérationnel et administratif. Notre présentation souhaite donc explorer le rôle de l’officier de SP à la lumière cette description et de la posture de marginal-sécant qui semble y correspondre.